2002
La tête comme un jardin
Nous arrivons dans le territoire des Hulis, les « hommes-perruques » qui nous accueillent habillés d’une jupe faite avec des feuilles des arbres, autour du cou un collier en nacre en forme de croissant de lune et dans le dos un os de bec de calao. Sur la tête, ils portent une perruque confectionnée avec leurs cheveux et décorée de plumes d’oiseaux, de fleurs qu’ils portent fièrement. Ici la coiffure est tout un art. Les jeunes garçons ne peuvent se marier avant d’avoir fait pousser une perruque. Chaque groupe possède une école, où sous la conduite d’un maître, ils laissaient pousser leurs cheveux et apprendre les règles des Hulis. Comme leurs jardins, les Hulis arrosent leurs cheveux afin qu’ils poussent plus vite. Au bout d’un an, le maître implante des tuteurs afin de donner forme à la perruque. Les cheveux sont ensuite coupés et remis à un « perruquier » qui a la charge de la mettre en forme.
La pluie de la nuit a transformé le sentier en bourbier. Les Papous marchent pieds nus tout en souplesse, sautillant d’un pas léger. Leurs doigts de pieds s’agrippent dans la terre et les cailloux. Moi, je dérape à chaque instant. Tomas, le docteur du village, surveille mes glissades et avec un air désapprobateur montre mes chaussures de randonnée « no good ». Mais je ne suis pas prête à marcher pieds nus comme eux !
Les Hulis naviguent entre la préhistoire et l’ère technologique. Ils continuent à vivre selon leurs coutumes millénaires, mais prennent l’avion pieds nus pour aller à la ville voisine. Les villages sont faits de huttes recouvertes d’herbes séchées. La maison des femmes et celles des hommes sont distinctes. Les enfants habitent la maison des femmes, ainsi que les cochons, considérés comme des membres de la famille. Les jeunes garçons rejoignent la maison des hommes après la cérémonie d’initiation. Les relations entre époux se passent donc dans la nature, par superstition. Les hommes ont peur que pendant leur sommeil, les femmes aient une influence néfaste sur leur corps.
Ce sont les femmes qui travaillent dans les champs, cultivent les patates douces, le taro, le yam. Et les hommes ? ils font la guerre.
Nous sommes accueillis avec curiosité. Nous perturbons le petit marché : en quelques instants, tout le monde a quitté son étalage pour venir nous examiner. Le soir, les Papous nous questionnent car les informations n’arrivent ici que par les voyageurs. « Est-ce qu’il y a toujours la guerre en Afghanistan ?
Pour le dîner, il n’y a que du riz et de la patate douce. Le goût de la patate douce me semble extraordinaire avec son léger goût de châtaigne.
L’art du corps
Nous retournons à Tari, pour prendre un avion qui doit nous emmener à Mount Hagen, à l’est des Highlands. Notre guide nous installe à l’école en face de l’aéroport et verrouille la porte. Il nous dit qu’il va chercher les cartes d’embarquement et nous demande de ne pas sortir pour des raisons de sécurité. A son retour, il nous dit que l’avion ne viendra pas en raison du mauvais temps. Un peu plus tard, J’aperçois un missionnaire à travers la grille cadenassée : il n’est pas très optimiste sur les moyens de quitter Tari, « la route est cassée et de toute façon les voyageurs sont dévalisés par les rascals, des bandes armées ». Le lendemain, le guide a disparu. J’arrive à m’échapper pour aller à l’aéroport et discuter avec le responsable. A ma grande stupeur, il me dit qu’il ne comprend pas nous ne nous sommes pas présentés la veille et que l’avion a décollé sans nous. Je lui explique la situation. Il me promet de s’occuper de notre cas. Et miracle ! dans une économie chaotique et en une heure de temps, il a réussi à affréter un avion. Pour embarquer, nous devons traverser une foule compacte en pleine manifestation. Le directeur de l’école m’aide à me frayer un chemin et me dit « vous avez beaucoup de chance de partir et avec toutes vos affaires ». Quand nous sommes enfin dans les airs, je pousse un ouf de soulagement. Nous survolons des forêts infinies et compactes. Seules les rivières créent des fractures et serpentent dans toutes les directions. Nous arrivons à Mount Hagen, pour le grand rassemblement des Papous. Là, nous retrouvons le plaisir d’un bon dîner et d’une douche dans un lodge accueillant.
Le lendemain, la fête commence. Le « sing sing » est une grande compétition de toutes les tribus de la région où chacun rivalise d’imagination et de créativité dans l’élaboration de son costume. Les maquillages multicolores, aux dessins complexes, sont de vrais tableaux vivants. Sur la tête, couronnes de plumes d’oiseaux de paradis et perroquets divers voltigent dans tous les sens. Autour du cou, les colliers de coquillages rivalisent sur des fourrures de couscous, petit marsupial que l’on trouve dans la forêt.
Le mythe du crocodile
Nous arrivons à Ambunti, dans le cours supérieur du Sepik, où nous prenons une pirogue à moteur, la proue en forme de tête de crocodile. Nous allons loger pendant quelques jours dans une maison traditionnelle sur pilotis.
Sur le fleuve, il y a des milliers d’aigrettes blanches, de hérons, des aigles pêcheurs, les martin-pêcheurs multicolores. Au lever du jour, nous partons à la recherche des oiseaux de paradis. Les Papous, croyaient qu’ils faisaient leur nid au paradis. La Nouvelle-Guinée possède 32 espèces différentes Après une montée difficile dans la forêt et une heure d’attente, j’aperçois une fraction de seconde deux oiseaux de paradis changeant de branches et quelques plumes dorées dans le soleil.
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